KURU

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En 1957, un médecin américain, Vincent Zigas, officier de santé en Nouvelle-Guinée, signalait une curieuse maladie neurologique qui décimait une tribu locale, et que les indigènes appelaient kuru . La chance voulut que Carleton Gajdusek, également médecin de l’armée américaine, fût en visite à Melbourne au même moment: il décida aussitôt de passer un an en Nouvelle-Guinée pour élucider ce mystère. La maladie commençait par des frissons et des troubles de l’équilibre, qui s’aggravaient ensuite, d’un tremblement et d’une incoordination des mouvements empêchant enfin la station debout; la mort survenait en moins d’un an, le malade étant devenu grabataire.

La maladie était strictement localisée à une petite zone représentant environ 35 000 habitants: elle atteignait deux fois plus souvent les femmes et, assez souvent, les jeunes enfants avec une prévalence moyenne de 5 à 10 p. 100. L’enquête montra assez rapidement que la maladie était contractée à l’occasion d’actes de cannibalisme, femmes et enfants participant en priorité à la dégustation du cerveau de la victime. Gajdusek entreprit alors de collecter les documents anatomiques et les prélèvements biologiques de ces malades: ils furent examinés attentivement aux États-Unis, et l’on fut frappé par la ressemblance des lésions avec celles d’une maladie du mouton: la scrapie. L’incubation du scrapie demandant des années, le même délai fut prévu pour les chimpanzés inoculés par le matériel pathologique provenant des malades atteints de kuru. C’est seulement en 1965, deux ans après l’inoculation par Gibbs du premier chimpanzé, que celui-ci présenta des troubles rappelant tout à fait ceux du kuru: l’examen microscopique de son cerveau montra aussi les mêmes lésions. L’expérience fut renouvelée, et l’inoculation intracérébrale du cerveau provenant soit d’un malade atteint de kuru, soit d’un chimpanzé expérimentalement contaminé permit de transmettre la maladie d’animal à animal. L’agent responsable est retenu par les ultrafiltres à partir d’une porosité de 220 nanomètres. Il est extraordinairement résistant aux agressions physiques et chimiques: la lyophilisation ne le détruit pas, et il est résistant à une température de 85 0C durant trente minutes. Il n’a jamais été trouvé dans le sang, l’urine ou le liquide céphalo-rachidien des malades. Les animaux ne peuvent être contaminés par voie digestive, mais seulement par inoculation: on pense donc que la maladie est transmise par le contact du cerveau infecté avec une plaie cutanée, et non lors du cannibalisme. Il ne s’agit donc pas, au total, d’un virus conventionnel: les lésions anatomiques du tissu nerveux évoquent d’ailleurs une maladie de type dégénératif (plaques d’amylose et aspect spongieux de la substance grise du cerveau). C’est par analogie avec celles d’une démence très particulière, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, que Gajdusek eut l’idée d’inoculer des chimpanzés avec les pièces d’autopsie de ces malades: comme dans le cas du kuru, la maladie put être transmise à l’animal, puis d’animal à animal. Il est d’ailleurs possible que ces deux maladies aient un agent commun: des cas de Creutzfeldt-Jakob ont été observés, en effet, en Nouvelle-Guinée, dans d’autres tribus. Une hypothèse pittoresque (car on s’interroge sur l’origine du kuru, apparu seulement au début du siècle en Nouvelle-Guinée) est celle du cannibalisme dont aurait été victime un Européen lors d’une excursion dans le pays...

Quoi qu’il en soit, la découverte de la nature virale de maladies neurologiques et/ou psychiatriques considérées jusqu’alors comme dégénératives a eu une influence considérable sur les recherches ultérieures: cette découverte a été à l’origine du concept des infections dont l’agent n’est sans doute pas un virus mais une particule infectieuse de nature protéique (prion).

La découverte de Gajdusek, pour laquelle lui a été décerné en 1976 le prix Nobel de médecine, a donc ouvert un chapitre nouveau dans l’étude des maladies neurodégénératives par «infection lente».

kuru [ kuru ] n. m.
• 1957; mot indigène « tremblement de peur, de froid »
Méd. Maladie dégénérative du système nerveux central, due à un virus lent, atteignant certains aborigènes de Nouvelle-Guinée. ⊗ HOM. Courroux.

kuru nom masculin Encéphalopathie due à un prion, qui affectait certaines populations de Nouvelle-Guinée pratiquant le cannibalisme (notamm. l'ingestion rituelle du cerveau des défunts). ● kuru (homonymes) nom masculin courroux nom masculin

kuru
n. m. MED Type d'encéphalite observé pour la première fois dans une tribu de Nouvelle-Guinée et qui a permis la découverte des virus lents.

kuru [kuʀu] n. m.
ÉTYM. 1957; mot empr. à une langue des régions montagneuses de Nouvelle-Guinée orientale, signifiant « tremblement (de peur, de froid) ».
Méd. Maladie dégénérative du système nerveux central due à un agent pathogène infectieux (prion), observée chez des aborigènes de Nouvelle-Guinée. || Le kuru a été étudié en Nouvelle-Guinée par Gajdusek. || Le kuru semble avoir été provoqué par l'ingestion rituelle de cerveaux humains; ses principaux symptômes sont l'ataxie et des tremblements. || Le kuru a presque disparu avec l'arrêt du cannibalisme rituel.
HOM. Courroux.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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